Aujourd’hui dans VoxDH8, je vais vous exposer ma vision de la production, ou plutôt, de la création musicale.

Cancelled

Pour commencer, la connotation du terme : « produire » est plus que péjorative dans un domaine artistique. L’art a pour vocation de mettre en exergue l’esthétique, l’émotionnel ou bien encore un concept alors que la production tend à obtenir un rendement ou un résultat quantifiable et générant un profit. En prenant le terme : « production » au pied de la lettre, on serait donc plutôt dans une approche commerciale de la conception d’un morceau.

Lorsque j’ai débuté sérieusement dans la création musicale grâce à Reason 3 en 2007, la profondeur et la souplesse du programme, pour l’époque, m’ouvraient des possibilités que je ne soupçonnais pas. Je ne pouvais prédire ce que ceci aurait comme influence sur ma façon de créer et de percevoir l’art. Après de nombreuses années d’apprentissage et de pratique, je suis aujourd’hui suffisamment satisfait de mon bagage pour porter un œil critique sur la production musicale en 2015.

C’est en 1996 que j’ai commencé à jouer de la musique techno en tant que DJ. Les vinyles que je mixais étaient plutôt rudimentaires car la production se faisait sur des machines analogiques coûteuses et dont la longueur des samples était très limitée. Un morceau était donc soumis à des contraintes techniques et financières, et, le simple fait de réussir à pouvoir l’enregistrer de bout en bout sans plantage, décalage ou autre problème relevait autant de la chance que de l’exploit. J’ai donc mixé les créations d’autres artistes pendant quelques années et ai ainsi pu suivre l’évolution technologique qui a permis à la musique techno de se densifier et de lui permettre de devenir aussi complexe et riche que n’importe quel autre genre musical.

slave of system

L’analogie avec l’évolution des technologies de tous les jours et l’usage que l’on en fait est frappante. J’en veux pour preuve le fait que nous soyons connectés en permanence à Google, à Wikipédia et à un réservoir de ressources quasiment illimité. On peut se documenter sur n’importe quoi, consulter de nombreuses sources pour les vérifier et s’enrichir culturellement à une vitesse folle. Néanmoins aujourd’hui, les mentalités tendent plutôt à vers la facilité et la fainéantise. Plutôt que de développer leur culture ou de titiller leur curiosité, les gens semblent plutôt enclins à être leur sujet préféré.

Je m’explique. Plutôt que de remplir son esprit d’informations utiles, de savoir et de connaissances universelles ; l’être humain version 2015 cherche plutôt à se mettre en scène et à être le centre de son propre univers. Assisté par les réseaux sociaux, qui véhiculent haine, mensonge et idées préconçues relayées sans vérification : le prototype stéréotypé d’humain actuel va entreprendre un monologue sur un sujet personnel en espérant que quelqu’un alimente sa discussion. Ce même humain qui, se regardant dans un miroir (le selfie), va attendre que des passants le voient s’auto contempler pour le complimenter à leur tour et le pousser encore plus loin dans sa forme d’autisme et d’isolement exposé.

Aujourd’hui donc, nous pouvons posséder un studio complet à domicile, produire de la musique intéressante et recherchée grâce à la baisse des coûts technologiques et à la progression fulgurante de l’innovation. Nous pouvons mélanger technologie analogique et digitale, vinyl et CD, ordinateur et synthétiseur. Cependant, le constat est tout autant affligeant que pour l’état de notre société. Les technologies ne sont plus abordées comme des moyens de nous surpasser ou des outils à respecter et à maîtriser. Malgré tout le potentiel des programmes de MAO actuels, l’efficacité des contrôleurs et périphériques, nombre d’artiste n’y voient que des assistances, des aides qui simplifient leur travail et leur permettent de se mettre en scène eux plutôt que leur talent et leur travail.

MC da Hate - Home Studio

Mon home studio : MAO, hardware analogique et digital.

 

Créer de la musique induit une démarche émotionnelle. Le propre de l’art étant de créer une réaction chez l’interlocuteur. Dès lors, comment peut-on penser créer une réaction positive ou négative chez un auditeur si nous ne nous impliquons pas corps et âme dans un projet ? Comment peut-on ainsi duper les gens et créer des choses qui ne nous touchent pas nous-même ?

Une création honnête et sincère avec un mastering moyen m’interpellera beaucoup plus qu’une vague copie d’un son, d’un titre à la mode produit dans le seul but d’atteindre une quelconque reconnaissance vis-à vis du public.

Pour moi, les notions de plaisir et d’authenticité priment sur les moyens mis en œuvre pour épurer un son et le gonfler afin que les basses et les subs claquent en soirée.

Je ne souhaite pas toucher tant de gens ou tel public. Bien entendu, si un jour ma musique venait à atteindre une large audience, j’en serais heureux et fier. Non pas fier de la notoriété à en tirer ou à un nombre chiffré de fans mais je serais heureux de ne jamais avoir trahi la ligne que je me suis fixée incluant honnêteté, travail et plaisir d’abstraire mes états d’âme et mes sentiments pour les partager avec des gens y étant sensibles.

Si pour certains la réussite passe par la reconnaissance à tout prix, quels que soient les moyens ; la mienne passe par mon propre jugement, mon amour propre et le fait de tenter d’offrir une forme d’art qui met au jour mon intimité et ma sensibilité. Je me bats pour les causes qui me sont chères et non pour exister. Je vis pour donner aux autres et apprendre d’eux. Je fais de l’art par passion et pour le partager.

Ma conclusion est la suivante: Ce n’est pas tant la création musicale d’aujourd’hui qui est malade, elle l’est depuis bien longtemps. Le business a toujours pris le pas sur la créativité, et, les technologies actuelles ne font qu’exacerber l’égoïsme et la soif de pouvoir propre à l’être humain. Toute bonne chose mise entre des mains avides finit par devenir nuisibles. Ici les nuisances se traduisent par un formatage, un stéréotypage de l’art, de l’homme, de nos buts et de nos aspirations profondes. La pression sociale et le conditionnement dont nous sommes victimes nous font détourner des moyens d’élever notre esprit pour tenter de nous élever à n’importe quel prix au-dessus de la masse sociale. En découle des modes caricaturales et aussi vite dépassées qu’elles ne sont arrivées plutôt que des artistes avec un son et une démarche qui leur est propre ; qui les met à nu avec leurs forces et leurs faiblesses.

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MC Da Hate